Transcription
Bonjour à toutes et à tous, David Gless de l'Onisep. Je suis ravi de vous accueillir et d'animer ce premier rendez-vous de l'orientation. Nous allons passer une heure ensemble aujourd'hui, organisée en deux temps. D'abord une intervention de 40 minutes de madame Weixler, inspectrice générale de l'éducation nationale, qui prendra la parole sur le thème de l'orientation scolaire, paradoxe, mythe et défi. Durant cette intervention, vous pourrez poser vos questions via le chat ou la discussion qui figure sous la vidéo. Puis, pendant 20 minutes, nous prolongerons cet échange sous forme de questions-réponses pour rebondir sur son intervention, approfondir certains des aspects évoqués ou en aborder d'autres, si vous le souhaitez. Sans plus tarder, je passe la parole à madame Alexandre-Bailly, la directrice générale de l'Onisep, qui va vous présenter les objectifs de ces nouveaux rendez-vous de l'orientation que nous inaugurons aujourd'hui. Elle vous en dira également plus sur celle qui nous fait l'amitié et l'honneur d'ouvrir ce cycle d'intervention. Quant à moi, je vous retrouverai dans 40 minutes après l'intervention de madame Weixler pour la soumettre au feu roulant des questions que vous m'aurez fait remonter d'ici là via le chat. Mme Alexandre-Bailly, je vous cède la parole.
Merci beaucoup, David. Je suis effectivement extrêmement heureuse d'annoncer ce nouveau rendez-vous avec l'Onisep qui va exister à partir d'aujourd'hui à peu près toutes les sept semaines. On aura à chaque fois un invité spécialiste d'éducation et d'orientation à qui on passera la parole sur le même format pendant environ 40 minutes pour que vous puissiez poser vos questions. Vous aurez ensuite possibilité de revoir cette intervention sur le site de l'Onisep sous le titre "Les Rendez-vous de l'orientation". Et donc, on aura comme ça, au fur et à mesure, toute une série de podcasts qui permettront à ceux d'entre vous qui s'intéressent à ces questions d'orientation d'avoir une variété d'informations et de points de vue sur les questions d'orientation. C'est quelque chose de très important pour nous à l'Onisep puisque, vous le savez, nous avons vocation à informer sur tout ce qui concerne l'orientation. Et il nous a semblé important d'offrir aux équipes éducatives la possibilité d'entendre, sans y consacrer forcément beaucoup de temps et à des moments un peu libres, les meilleurs experts présenter certains aspects de la question. Et donc, on veillera à être assez pluridisciplinaires de façon à avoir des points de vue complémentaires. Alors, aujourd'hui, nous allons donner la parole dans quelques instants à Frédérique Weixler. C'était quasiment une évidence d'inviter Frédérique pour cette première séance. D'abord, parce qu'elle vient de publier un livre dont elle va vous parler, "L'orientation scolaire : paradoxes, mythes et défis". Et c'est un livre qui commence à faire beaucoup parler. Mais aussi parce qu'elle est non seulement une grande experte de l'orientation et du décrochage, mais également parce qu'elle est, en tant qu'inspectrice générale de l'éducation, du sport et de la recherche, présente à notre conseil d'administration. Et elle accompagne beaucoup l'Onisep dans l'évolution de l'opérateur, dans l'accompagnement à l'orientation et dans la façon de délivrer les bonnes informations sur les formations et sur les métiers. Frédérique a une carrière extrêmement riche, donc je ne vais pas la parcourir en entier, mais il faut savoir qu'elle a notamment travaillé à la Direction Générale de l'enseignement scolaire en tant que chef du département innovation, en tant que chargée de mission décrochage. Elle a été conseillère dans plusieurs cabinets ministériels en charge du décrochage et de l'orientation et aussi de la formation tout au long de la vie. Et elle a, en particulier, piloté l'évaluation des politiques publiques en 2013-2014 et co-rédigé les deux rapports qui en sont issus, ainsi que le plan décrochage 2014, tous mobilisés pour vaincre le décrochage. Et c'est un plan dont on sait qu'il a permis de diminuer très, très, très fortement le nombre de décrocheurs en passant de plus de 150 000 à moins de 100 000. Elle a été également extrêmement présente sur toute la mise en œuvre de l'obligation de formation des 16-18 ans. Et par ailleurs, malgré tout cet engagement au sein de l'éducation nationale, elle est également engagée de façon privée, je dirais, au sein du mouvement Emmaüs depuis très longtemps. Et elle a pu participer à de nombreuses missions au niveau national et international. Et donc, c'est une véritable experte de toutes les questions qui touchent à l'orientation, au décrochage, aux inégalités d'accès aux formations et aux métiers. Et on est extrêmement fiers de pouvoir l'accueillir aujourd'hui et de l'entendre nous présenter sa conception de l'orientation, qui est absolument partagée avec celle de l'Onisep. On a besoin de préciser de quoi il s'agit, puisque quand on parle d'orientation aujourd'hui, il y a une forte polysémie du mot. Et la plupart des acteurs utilisent le mot sans forcément mettre exactement le même sens derrière. Alors, le bouquin commence par quelque chose de très, très joli sur le mythe de l'Orient, mais je te laisse prendre la parole et développer plus avant. Merci.
Mesdames et messieurs, chère Frédérique Alexandre-Bailly, tout d'abord, que je remercie tout particulièrement de m'avoir invitée. Et je suis très honorée et très heureuse d'inaugurer ces rendez-vous de l'éducation et de l'orientation. Je trouve que c'est une excellente idée. Et puis, c'est vrai que je suis très attachée à l'Onisep. J'y ai passé sept années de ma vie professionnelle qui ont été des années très riches, aussi bien sur le plan humain, qu'intellectuel et professionnel. Et je tiens à saluer aujourd'hui à travers Frédérique Alexandre-Bailly, toutes ses équipes, et puis tous les collègues avec lesquels j'ai pu travailler, dont je salue effectivement la rigueur, le professionnalisme. Et puis, on ne parlait pas encore d'agilité quand j'y étais, mais on la constate maintenant. La souplesse, la créativité, la capacité d'apporter des solutions aux problèmes et de chercher collectivement des réponses, justement, pour qu'orientation rime avec chemin d'émancipation, puisque c'est ce qui me tient à cœur. Et que l'accès à l'information contribue vraiment à plus d'égalité des chances. Donc, c'est ces valeurs qui sont au cœur du système éducatif et qui sont aussi au cœur de l'Onisep. Et je peux le constater particulièrement maintenant, effectivement, que je fais partie du conseil d'administration. Alors, "L'orientation scolaire : paradoxes, mythes et défis", comme le dit Frédérique Alexandre-Bailly, la polysémie du mot fait que si on ne passe peut-être pas par un détour d'abord pour le considérer, on risque finalement soit de le réduire à un objet, j'allais dire, technique, procédural, soit de verser dans des controverses stériles. Polysémie, à la fois détermination des points cardinaux, étymologie commune avec le mot "orient", comme effectivement je le souligne dans mon ouvrage, et donc cette ouverture vers les possibles, celle de l'aube et tous les mythes qu'on avait en Occident autour de l'Orient et qui ont nourri finalement beaucoup de connotations de ce mot orientation. L'action de donner une direction déterminée, c'est vraiment la question du sens qu'on a dans "qu'est-ce que c'est orienter sa vie ?" "Qu'est-ce que c'est que prendre une décision d'orientation ?" Et en même temps, le résultat de cette action qui parfois est ressentie finalement de façon passive. J'ai été orientée, donc vous voyez qu'on a tout ce mélange qui a conduit d'ailleurs depuis quelques années à clarifier justement, est-ce qu'on parle d'orientation au sens du flux, de la gestion des flux, du tri des élèves, même si le mot est assez trivial et peut parfois faire froid dans le dos ? Est-ce qu'on parle de l'individu, de la personne qui se construit son identité et qui en même temps construit son parcours ? Est-ce qu'on parle de l'accompagnement de ce parcours ? Est-ce qu'on parle des modalités de la reproduction de la division sociale et technique du travail ? Donc bien entendu que ce n'est pas exclusif et que tous ces sens font partie effectivement d'une orientation, mais qu'il importe lorsqu'on est juste particulièrement accompagnateur, mais dans tous les cas où on a à agir dans le domaine de l'orientation, de bien savoir de quoi on parle et de le clarifier avec ses différents interlocuteurs et tout particulièrement les élèves, leurs parents et l'ensemble de la communauté éducative. J'ai souhaité aussi mettre une citation de Young et Valache, qui figure dans le dernier ouvrage sous la direction de Valérie Cohen-Scali, "Psychologie de l'orientation tout au long de la vie", qui est très intéressante, parce qu'en fait on confond aussi souvent l'intention et le fait d'une démarche rationnelle. Bien sûr que la plupart du temps, l'action humaine est dirigée vers un but, elle est intentionnelle, mais elle n'est pas pour autant rationnelle ou purement rationnelle. Et beaucoup de malentendus dans le domaine de l'orientation reposent également sur le fait qu'on va s'imaginer que forcément, parce qu'il y a une intention, parce qu'il y a une motivation, parce qu'on décrit un parcours ou un projet, on est strictement dans le domaine rationnel. Et c'est d'ailleurs, au-delà de l'orientation, un malentendu fréquent dans le système éducatif français où on a beaucoup de mal d'envisager d'autres paramètres dans la prise de décision ou dans les actions des uns et des autres, autres que la raison. Ce qui nous rend déraisonnables d'ailleurs dans un certain nombre de décisions. Alors l'orientation, c'est aussi, en plus de sa polysémie, une question complètement universelle. Quel que soit finalement la culture, le type de système éducatif, on va retrouver cette idée d'orienter sa vie, cette idée de pouvoir non-choisir, cette idée de marge de manœuvre laissée à la personne et également de cette capacité à s'inscrire dans l'histoire, à inscrire son action comme citoyen et à se sentir partie prenante. Et on voit bien d'ailleurs toute la problématique autour de, par exemple, la désaffection de la participation au vote, etc., qui peut être un des signaux du sentiment de ne pas être complètement partie prenante d'une société, d'un système politique, etc. Alors un des cadres qui me paraît le plus heuristique, le plus intéressant finalement pour poser ce que c'est que l'orientation, c'est celui des objectifs de développement durable de l'UNESCO. Quand je me déplace à l'international, c'est vraiment la référence classique, j'allais dire, des projets, quels qu'ils soient, et tout particulièrement dans le domaine de l'éducation, où on va se référer à l'objectif de développement durable numéro 4 : "Assurer à tous une éducation de qualité sur un pied d'égalité et promouvoir les possibilités d'apprentissage tout au long de la vie". Or, on voit que c'est vraiment intéressant d'avoir cet objectif partagé au niveau international parce qu'aucun pays ne peut se prévaloir de l'avoir atteint complètement. Bien sûr qu'on n'est pas tous au même niveau de progrès, j'allais dire, sur cet axe, mais aucun pays ne peut dire qu'il assure complètement l'égalité des chances, particulièrement pas la France, où il y a une forte corrélation, vous le savez, entre l'origine socio-économique et les destins scolaires. Mais aucun pays, en tout cas, ne l'assure totalement. Et aucun pays ne peut non plus se prévaloir d'avoir mis en place vraiment toutes les conditions pour un apprentissage tout au long de la vie. C'est vraiment des concepts qui, maintenant, vous le voyez, sont ancrés au niveau international et sur lesquels nous avons tous à progresser, sur lesquels nous avons tous à apprendre les uns des autres. Donc cet objet structurant de notre communauté éducative, il se réfère à des normes et des valeurs. Et c'est ça qui est intéressant aussi à voir. Il est installé au coeur du système éducatif. Et en fait, il nous pose des questions fondamentales qu'on oublie parfois de se poser. Je parlais tout à l'heure de procédures et de techniques, indispensables, on a besoin d'outils, on a besoin de démarches, on a besoin de procédures. Mais on a tendance, sur des objets complexes comme l'est celui de l'orientation, à se rassurer, finalement, en se précipitant sur ces objets et en oubliant de considérer le sens. On parlait de sens de l'orientation, c'est-à-dire pourquoi on le fait ? Qu'est-ce qu'on fait quand on accompagne un parcours d'orientation ? Quel est l'objectif commun, partagé et explicite sur lequel on peut s'entendre, sur lequel on peut discuter, sur lequel aussi on peut apporter des infléchissements et ensuite mettre en place effectivement ce processus d'amélioration continue ? En fait, la question centrale est là dans un bel élan aussi de continuité de la politique éducative, c'est finalement : est-ce que l'orientation contribue à plus d'égalité des chances, à plus d'égalité dans les parcours ? Ou au contraire, contribue à ce que j'expliquais tout à l'heure, cette spécificité franco-française de corrélation entre origine socio-économique et destin scolaire ? Donc, que fait l'orientation ? Comment elle se situe sur ce sujet ? Et autre question encore plus redoutable, qui est presque un prémisse par rapport à cette question : est-ce qu'il s'agit de reproduire à l'identique une organisation sociale ou de la faire évoluer ? J'allais dire, la réponse est dans la question, puisqu'il n'y aurait aucun sens à reproduire à l'identique une organisation, sachant que les contextes sont évolutifs, que bien entendu, les sociétés évoluent ou que ce soit, et ce qu'on a vécu depuis un an, juste un an, c'était le confinement, au niveau d'une pandémie, nous montre à quel point nous devons intégrer en permanence de la nouveauté, de l'incertitude et de la prévisibilité, ce qui est en fait une assez bonne définition de ce qui se passe dans un parcours d'orientation. Et ensuite, en France, on a encore un facteur, c'est qu'on a tendance à penser que tout se joue pendant la jeunesse en termes d'orientation et qu'il faut absolument, pendant cette période sensible, avoir réussi le maximum de franchissement d'obstacles, d'écoles prestigieuses, le plus rapidement possible. Et c'est pour ça qu'on a en France l'âge moyen des étudiants quasiment le plus jeune de l'OCDE, 21 ans, parce que c'est très récemment qu'on a commencé à s'autoriser les années de césure, la réversibilité, et à se dire que finalement, l'apprentissage pouvait se poursuivre et également les possibilités en termes de carrière. Donc vous voyez que ce contexte, déjà, il dessine beaucoup de notre façon de concevoir l'orientation et que si on ne travaille pas d'abord sur cette conception, sur ce qui est partagé ou non dans les objectifs et dans le cadre, on va au-devant de grandes difficultés, de grandes résistances et de lenteur, en fait, dans les évolutions, voire parfois d'avancée-recul, puisqu'on va être rattrapé, si je puis dire, alors, je vais employer une expression volontairement abusive sur le plan psychologique, de retour de refouler, tout ce qu'on n'aura pas réglé va revenir à la surface, notamment dans des périodes de transition ou des périodes parfois un peu compliquées. Alors, l'orientation, donc, objet universel, polysémique, et également, c'est un objet de comparaison nationale et internationale. En fait, en posant la question, est-ce que l'orientation participe à l'égalité des chances ? On a besoin de clarifier ce que c'est que l'égalité des chances, qu'on emploie très, très souvent en France, et qui est effectivement étudiée dans PISA, dans un certain nombre de comparaisons. Et en fait, l'idée, c'est de vérifier si chacun réussit en fonction, alors selon les pays, on va appeler de ses efforts, de son mérite. Je résumerai ça de façon, j'ai entendu hier un chercheur à l'IH2EF, Damien Canzittu, un chercheur belge, le dire très bien, c'est-à-dire en fonction de ce sur quoi on peut agir. Est-ce qu'on évalue l'élève en fonction de critères sur lesquels il a une capacité d'action ? Si on évalue l'élève sur des critères sur lesquels il n'a aucune capacité d'action, vous voyez bien qu'on n'est pas du tout dans l'égalité des chances et qu'on n'est pas du tout équitable. Mais en fait, cette question, est-ce qu'on se la pose comme ça ? Est-ce que quand on évalue un élève, on se dit : "est-ce que là, je suis en train de mesurer quelque chose sur lequel il a une capacité d'agir ?" Et cette question, elle me paraît centrale. Et finalement, elle permet d'aborder la question d'évaluation de façon non conflictuelle. Tout le monde s'entend sur cette question-là et tout le monde trouve normal d'être reconnu ou d'être évalué en fonction de facteurs sur lesquels il a une forme de responsabilité et de capacité d'action. Et donc, on considère dans l'OCDE que les systèmes sont plus égalitaires si les résultats des élèves sont plus susceptibles d'être le reflet de facteurs sur lesquels ils peuvent influer. On voit tout le sens de ce qu'il fait notre objet orientation. C'est-à-dire augmenter la marge de manœuvre de chaque élève qu'on accompagne et augmenter également la marge de manœuvre du système. En fait, par la capacité d'agir individuelle et collective, on est en permanence dans ce croisement entre l'intime et l'institutionnel où se rejoint finalement l'augmentation de cette capacité d'agir pour l'ensemble des individus. Et c'est vraiment pour moi, finalement, là aussi une très bonne définition de l'accompagnement à l'orientation. Alors, le Conseil européen, vous le savez, en 2008, dans une de ses recommandations, a défini ce qu'était l'orientation. C'était sous présidence française. La France était très impliquée sur ce sujet de l'orientation, elle l'est toujours, mais elle l'avait été particulièrement sous cette présidence et a beaucoup contribué à cette définition. C'est pour ça que c'est d'autant plus évident qu'elle fait maintenant partie intégrante de nos références, de nos repères et finalement de toutes les évolutions et réformes qui sont mises en place depuis. Mais ça vaut quand même la peine de temps en temps de la relire parce qu'on s'aperçoit qu'on est effectivement au milieu du gué. On a beaucoup progressé, moi qui travaille depuis très longtemps sur ce sujet de l'orientation, je peux vous dire qu'écrire que l'orientation est un processus continu, ça n'allait pas de soi il y a 35 ans, que les services d'orientation portaient cette idée de parcours et de processus, mais que ce n'était pas complètement partagé. On parlait de palier d'orientation essentiellement et on envisageait l'orientation essentiellement à des moments précis. Ça reste vrai parce qu'on voit bien cette focalisation dans les médias, dans le grand public, par exemple sur Parcoursup, qui représente de façon très emblématique un des moments clés de transition et puis aussi symbolique du passage après le lycée, le bac, enfin on voit bien tout ce que ça représente en termes de monuments nationaux, mais n'empêche que l'idée du processus continu, maintenant, elle est intégrée dans le paysage. De même que l'idée de "tout au long de la vie", même si on a beaucoup à progresser en France. Ensuite, ce qu'on lit est quand même très fort. D'abord, on parle de citoyens, c'est-à-dire que dès le début, dès l'école, même avant, l'élève est aussi et avant tout un citoyen. Donc, et c'est bien tout au long de la vie, donc ce qu'on envisage comme processus, le fait de pouvoir déterminer ses capacités, prendre des décisions, gérer son parcours de vie personnelle, ça ne commence pas tout d'un coup à l'âge adulte ou tout d'un coup quand on est dans la vie professionnelle. Et ça, c'est très important. Et vous voyez bien que ça peut être simplement un très bon objet de travail aussi dans nos établissements, de se dire, mais est-ce qu'en fait, c'est cette vision-là qu'on partage quand on accompagne ? Et en même temps, le danger souligné par de nombreux chercheurs, c'est de dire, attention, ça ne veut pas dire qu'on responsabilise totalement l'enfant en lui disant, en fait, c'est toi qui gères et tu es responsable depuis l'âge de 3 ans ou de 10 ans ou de 15 ans de gérer tes capacités, tes compétences, ton parcours. Bien sûr qu'on voit que l'accompagnement, il doit être d'autant plus important que l'enfant est jeune, se poursuivre ensuite selon des modalités particulières et qu'il n'est pas question de ne faire peser la responsabilité que sur la personne. On voit bien qu'il y a une interaction en permanence avec des systèmes autour d'elle et avec la possibilité ou non d'utiliser sa marge de manœuvre selon les conditions qui vont être mises en place. Donc, il faut être attentif. Cette définition est très, très importante dans son cadre, mais elle doit toujours être tempérée par cette idée de responsabilité commune. Et si ce point-là n'est pas clarifié, il va aussi poser problème et créer de nombreux malentendus entre interlocuteurs et même dans la façon dont on va accompagner les élèves. En France, on a une définition qui est parfois oubliée aussi et surtout une obligation puisque c'est dans la loi. On dit que le droit au conseil en orientation à l'information fait complètement partie intégrante du droit à l'éducation. C'est dans le code de l'éducation. Donc, ça, il faut voir aussi l'orientation comme parfaitement intégrée dans le droit à l'éducation. Alors, s'orienter, si je prends maintenant un verbe plus actif qui va nous permettre peut-être de clarifier une partie de la polysémie et de nous engager sur cette partie plus active ou en ce sens où on est l'auteur de son parcours, au moins l'acteur. On a dit longtemps, l'élève doit être acteur de son parcours. Je dirais plutôt auteur au sens où il faut qu'il s'autorise. C'est la même racine entre et s'autoriser et en tous les cas, prendre le terme actif. On est au croisement de beaucoup de champs disciplinaires. Je ne vais pas m'y attarder, au cœur de la démarche humaniste. Mais surtout, quand on s'oriente, quand on oriente sa vie, on se réfère forcément à des normes, des mythes, des conventions. Si je m'arrête rapidement sur les conventions, les conventions, c'est celles qu'on trouve, je vais dire à la naissance, celles du pays dans lequel on se trouve, les conventions sociales, celles de sa famille. Et donc, Eric Verdier, que je vous encourage à aller consulter, définit un certain nombre de conventions qui vont être structurantes et qui sont souvent implicites. Pendant longtemps, en France, la convention principale dans le domaine éducatif et donc dans l'orientation, c'était la convention académique. On mettait une forme de méritocratie en disant si on travaille, on réussit, avec un tri successif et un poids très important sur les connaissances et la transmission des connaissances. Progressivement, ça s'est teinté de corporatisme, tout ce qui est lié au monde professionnel, et d'universalisme, qui est l'égalité des chances dont je vous parlais tout à l'heure. Mais si on n'a pas clarifié ces conventions et qu'on les utilise, j'allais dire quasiment à notre insu, c'est-à-dire qu'elles nous gouvernent, on va, par exemple, ne pas réfléchir dans un établissement quand on va constituer des classes homogènes ou hétérogènes. Quel est le modèle de convention sociale qu'on a au fond quand on va composer les classes ? Quel est le modèle qu'on a de convention sociale quand on va donner un conseil pour une orientation vers telle ou telle filière ou tel ou tel domaine professionnel ? Vous voyez donc que là, l'interrogation, la déconstruction de ces conventions sociales est au minimum la prise de conscience de celles dans lesquelles on évolue et qui finalement nous conditionnent dans notre vision du monde, sont très importantes. On a également donc, Frédérique Alexandre-Bailly en parlait tout à l'heure, les conventions sociales, les mythes. Les mythes, j'allais dire, c'est toutes nos croyances. Alors, on a des mythes qui sont structurants. Alain Boissinot parle du "Panthéon de nos trois mythes fondateurs de l'école française", donc Rousseau pour l'éducabilité. Condorcet, instruction pour tous, égalité fille-garçon, il était très en avance dans ce domaine. Et puis, Jules Ferry pour qui l'école était finalement un creuset de la République, de la laïcité, de la morale républicaine et permettait, en fait, quasiment une matière d'État, le creuset de la République. Et donc, ces trois mythes sont importants. Ils sont structurants de l'école, mais si on n'en mesure pas le poids, si on ne mesure pas dans, effectivement là encore, dans un texte, dans une orientation, quel est finalement ce qu'on met le plus en avant ? Est-ce que dans ce domaine-là, ça va être l'éducabilité. Ce n'est pas forcément exclusif, ça peut être l'un ou l'autre. On va les laisser plutôt à l'état de croyance, plutôt qu'ils ne nous servent d'impulsion et d'horizon pour l'action. Un mythe a les deux fonctions. Il a la fonction fédératrice et il résume, comme le dit Denis de Rougemont, "un nombre infini de situations". Mais le risque, comme je le disais pour les conventions, c'est qu'ils prennent le pouvoir sur nous s'ils restent à l'état de croyance. Et donc, il y a un collègue de l'Onicep, Rodrigue Ozenne, qui a travaillé sur les mythes, qui avait fait une séance quand il était conseiller d'orientation à Amiens, et je vous encourage aussi à vous en servir. Et comment on déconstruit ces mythes ? Comment on travaille avec les élèves, mais pas seulement ? Ces mythes, ils traversent aussi bien les professeurs, les parents, l'ensemble de la communauté éducative. Je vous en donne quelques exemples. L'orientation mérite. C'est-à-dire, en fait, on a, je vais avoir une formule très lapidaire, on a ce qu'on mérite. Il y a un exemple récent qui est très intéressant pour poser la question du mérite. C'est pendant la pandémie, il y a des chercheurs, Delès et Filippo, ils ont fait beaucoup d'articles, et notamment dans Le Monde, qui ont envoyé un questionnaire à 36 000 familles pour savoir comment se passait l'école à la maison et combien de temps avaient passé les familles auprès de leurs enfants par semaine, etc. Ils se sont aperçus que c'étaient les familles les plus modestes qui passaient le plus de temps et qui avaient consacré le plus d'énergie. Et ceux qui avaient passé le moins de temps, c'était les parents qui étaient en même temps des enseignants. Et parce qu'ils comprenaient les consignes à demi-mot, parce que souvent, ils ne les prenaient pas à la lettre et ils pouvaient passer plus vite à l'exercice suivant, en se disant, ça, c'est inutile, voilà, ils le maîtrisent déjà. Et ils obtenaient un bien meilleur rendement, si je puis m'exprimer ainsi. Les familles modestes qui avaient passé beaucoup plus de temps, en plus, n'avaient pas forcément cette reconnaissance dans ce qui leur était renvoyé par l'institution. Qui doit-on considérer qui a le plus de mérite ? Donc, voyez que cette notion de mérite, elle est vraiment très compliquée à manier. Et comme le dit également Marie Duru-Bellat, si les inégalités de mérite déterminaient les trajectoires de chacun, si la définition du mérite était bonne, il ne devrait y avoir aucune corrélation entre origine sociale et réussite. Or, c'est le contraire qui se passe en France. Donc, on voit bien que c'est plus compliqué que ça et qu'on doit donc interroger cette notion de mérite. On a aussi le mythe de l'adéquationnisme, qui a longtemps prévalu en France dans le domaine de l'orientation. Il y a une relation entre formation et emploi. Je choisis bien ma filière et comme ça, l'emploi que je veux faire, j'y accéderai facilement. France Stratégie a fait une étude récemment. Il y a à peu près une personne sur trois qui travaille directement dans son domaine de formation. C'est surtout vrai pour les professions réglementées comme médecine, etc. Pour le reste, moi, je trouve ça plutôt réjouissant. Ça veut dire qu'on voit bien qu'on est dans cette formation tout au long de la vie et qu'on acquiert surtout des compétences qui peuvent nous être utiles et dans des domaines très variés, qu'on ouvre des possibles. Je ne vais pas m'étendre sur le mythe de l'orientation genrée. On sait très bien qu'on a tous des croyances sur les domaines professionnels pour les garçons, pour les filles, même si on a progressé et même si on y travaille beaucoup à les déconstruire. Mais en tous les cas, ça reste un cadre sur lequel il y a des croyances sur lesquelles il faut travailler. Et un que j'aime beaucoup, que j'ai défini et que j'avais retrouvé chez justement Ozenne, c'est, moi, j'ai appelé ça le prince charmant, le métier charmant, plutôt par analogie au prince charmant. C'est-à-dire, on aurait chacun un métier idéal et il suffirait de le trouver. Donc, on fait beaucoup de tests, on voit des coachs et on finit par le trouver. Parfois, vous le savez, avec une grande déception parce que si ce choix est conforté par l'environnement alors qu'on n'a pas plus creusé ni cherché d'autres possibles, on va peut-être s'apercevoir au bout du compte que ce métier charmant n'était pas si charmant que ça et qu'en tous les cas, on peut avoir envie d'en changer. Alors, on a ces mythes, on a ces conventions et on a des faits et les faits, ils peuvent être parfois terribles. Lorsque j'étais justement conseillère au cabinet ministériel, j'avais demandé, pour essayer d'objectiver cette corrélation entre origine socio-économique et destin scolaire, j'avais demandé à voir les boursiers par filière. Alors, il y avait encore, en 2015, il y avait encore la filière S, la filière L, la filière ES, comme vous pouvez le voir. Et c'est particulièrement terrifiant parce que, c'est le mot qu'avait employé la personne de la DEPP qui y a travaillé et qui m'a rappelé à 23h tellement il était frappé par ses résultats, parce qu'on les retrouvait, quelle que soit l'échelle qu'on prenne : académie, département, établissement. On retrouvait finalement de façon linéaire, une fonction linéaire entre les boursiers et la hiérarchie implicite des filières. C'est-à-dire qu'on avait le plus de boursiers, je devrais dire de boursières, en bac pro tertiaire et le moins en filière S. Et puis, vous pourrez regarder après entre S, ES, etc., je vous laisse découvrir. Mais donc, si on prenait en plus à l'intérieur de S, maths, physique, SVT, on avait le moins de boursiers en S, maths. Donc, même à l'intérieur des spécialités de S, on retrouvait cette hiérarchie implicite corrélée avec le nombre de boursiers. Alors, ça pourrait être décourageant. On pourrait se dire, donc, finalement, c'est tellement approprié par l'ensemble des acteurs en France, et autocensure du côté des familles et des élèves, renforcement de ces inégalités du côté des équipes qu'on ne peut rien faire. C'est le contraire, et je vais vous le montrer. Si on regarde donc les souhaits d'orientation en seconde GT, j'appelle ça "capacité d'agir, défis", parce que c'est le défi qui nous est posé. Comment on agit à partir de là sur ces facteurs et comment chacun apporte sa pierre finalement à cette déconstruction de ses croyances, de ses représentations, qui ont un tel impact sur les parcours ? Eh bien, si vous regardez chaque colonne du milieu qui est en grisé clair, ce sont les élèves qui ont entre 10 et 12 au DNB. Vous voyez que s'ils sont enfants de cadre, ils sont 91 % à faire des vœux de seconde GT, s'ils sont enfants d'ouvrier non qualifié, 59 %. Donc, ça, ce sont les souhaits d'orientation. On peut se dire, c'est les familles, on ne peut rien y faire. Ce n'est pas si facile que ça, puisque la DEPP nous montre dans une de ces notes d'information qu'en sixième, 50 % des familles ont déjà décidé qu'elle serait l'orientation de leur enfant en fin de troisième, et c'est plutôt les familles favorisées, mais 50 % n'ont encore pas décidé. Et donc, l'accompagnement à l'orientation prend vraiment tout son sens, puisqu'on va pouvoir avoir justement un effet sur cette autocensure. Et d'autant plus, regardez le schéma suivant, qu'il y a une responsabilité, cette fois directe, du système sur les décisions d'orientation en seconde GT. On reprend toujours ces élèves. Alors là, qui ont eu 10, ce n'est même pas entre 10 et 12. Donc, ils ont les mêmes niveaux de réussite. Si c'est ça qu'on appelle mérite, comme en Belgique, apparemment, quand ils disent mérite, nous disait le chercheur hier, c'est les résultats, c'est les notes. C'est souvent un peu le raccourci qu'on a aussi en France. Donc, prenons ceux qui ont 10. On voit que si on est le favorisé A, c'est les plus favorisés, et une fille, c'est là où on a le plus de chances d'obtenir une décision d'orientation à note égale en seconde GT. Et à l'inverse, vous voyez, si on est un garçon du milieu le plus défavorisé, on n'a plus que 75 %. Ça, ça dépend complètement de nous. Donc, le premier objet, je vais dire, sur lequel on peut travailler, c'est comment se construisent les décisions d'orientation dans l'établissement dans lequel je travaille, dans le bassin dans lequel je travaille, dans l'académie, etc. Comment elles se construisent et comment on en fait un objet partagé de la communauté éducative, y compris avec les parents, les élèves, l'ensemble des intervenants, bien sûr les psychologues de l'Éducation nationale, au premier chef, qui vont être des experts très précieux, les directeurs de CIO, les IEN-IO, pour analyser tous ces chiffres. Et d'ailleurs, cette étude, elle vient d'un inspecteur d'orientation, je vous ai mis la source, et donc elle est très intéressante. Et là encore, vous trouvez des experts dans les services d'orientation qui peuvent vraiment vous aider à trouver facilement des angles d'entrée modestes en apparence, mais qui, comme on est dans un système, vont faire bouger l'ensemble du système. D'ailleurs, pour vous rassurer sur notre capacité d'agir, je vais vous montrer une évolution pointée par l'OCDE dans un rapport paru en janvier 2020 à partir de PISA 2018, strictement sur le sujet de l'orientation, qui constate que le monde a connu beaucoup de changements depuis les années 2000. Est-ce qu'il y a des changements qui vont dans le même sens des métiers auxquels aspirent les jeunes ? Or, on s'aperçoit que dans les pays de l'OCDE en général, malgré toutes ces évolutions, on a une concentration très forte à 15 ans, donc au moment de PISA, sur dix métiers. Vous voyez qu'en 2000, c'était 47% de garçons qui concentraient leur choix sur ces dix métiers, c'est 55% en 2018. Sur les filles, c'est pire aussi dans l'OCDE. Or, en France, on était déjà mieux placé en 2000, ce qui veut dire qu'on faisait quand même déjà un très grand travail dans ce domaine, dans les services d'orientation et dans l'orientation générale au sein du système éducatif. Et on a beaucoup progressé en 2018, et particulièrement pour les filles. Donc ça, c'est quand même particulièrement réjouissant, parce que c'est un domaine dans lequel on travaille depuis très longtemps, avec parfois un sentiment de stagnation, voire de régression. Et on voit que le mouvement de fond est un mouvement de progrès en France dans ce domaine-là, avec une ouverture des possibles très importante. Et c'est bien l'action conjointe dans ce domaine, et bien sûr, celle de l'Onisep, notamment des services d'orientation, mais celle de tout le système, qui est importante. Donc on a des objets de travail, on est capable de progresser, et on est capable de progresser dans tout le cadre dont je viens de parler. Je ne vais pas revenir sur les objets de travail, stéréotypes, hiérarchie des filières. Il y a la place des parents, bien entendu, qui va être fondamentale. L'expérimentation sur le choix laissé à la famille, qui était un peu compliquée, montre que ce n'est pas toujours facile pour nous de travailler dans ce domaine. Le statut de l'erreur, est-ce qu'on considère que l'erreur, elle fait vraiment partie de l'apprentissage, comme dans le domaine scientifique, on avance par essais et erreurs ? Est-ce que c'est cette représentation-là qu'on a, ou est-ce que l'erreur est une faute ? Est-ce que l'erreur est un problème ? Vous savez qu'à PISA, les élèves français préfèrent ne pas répondre, plutôt justement que de commettre une erreur. Donc il faut vraiment travailler sur le statut de l'erreur si on veut progresser. Et ça va tout à fait dans le sens de l'éducabilité aussi, qui est un des mythes fondateurs utiles pour notre système. On a des opportunités majeures. L'orientation en ce moment est complètement au centre de toutes les réformes. Le lycée général technologique, la transformation de la voie professionnelle, l'obligation de formation, le cadre national de référence avec le temps dédié à l'orientation, etc. Donc on a multitude d'objets de travail. L'évaluation des établissements où on peut prendre des indicateurs dans ce domaine. Moi, je trouve qu'il serait intéressant d'utiliser, je vais parler des décisions d'orientation, d'utiliser l'objet du conseil de classe, qui de toute façon est remis en question dans son fonctionnement classique actuellement avec la réforme du lycée, qui constitue plutôt des groupes que des classes. Et donc ça nous oblige de toute façon à le reconsidérer. Donc ça, ça pourrait être un très bel objet commun en bassin, en département, en académie. Et avec, bien sûr, les services d'orientation, l'Onicep, il y a un très beau travail à faire dans ce domaine-là. L'idée de la coopération aussi, qui s'est beaucoup développée pendant la pandémie, puisqu'on était contraints finalement à la coopération. Et là aussi, c'est encore une très bonne nouvelle. Il faut surtout ne pas oublier les enseignements qui ont été capitalisés pendant cette crise sur ce que nous apporte la coopération ou la prise en compte des vulnérabilités. Vous savez qu'en France, on réduit souvent l'inclusion au handicap. Bien entendu, je ne minimise pas l'importance de la prise en compte du handicap, mais l'inclusion, ça veut dire aucune discrimination liée aux vulnérabilités ou aux conditions particulières d'une personne. Donc c'est vraiment très, très important de se demander si on est vraiment dans un système inclusif, sachant que la Cour des comptes, récemment, dans un référé au ministère en 2020 à propos de la voie professionnelle, nous encourage à aller vers un lycée inclusif. Donc c'est plus fort que le lycée polyvalent. C'est un lycée qui permet vraiment la réversibilité, des passerelles et qui travaille sur l'inclusion de l'ensemble des élèves, quelles que soient leurs caractéristiques. Et vous voyez que ça vient de la Cour des comptes, donc on ne peut pas dire que c'est une dangereuse utopie. Pour conclure, je reprendrai finalement les métaphores et les analogies qu'on utilise souvent dans le domaine de l'orientation, qui sont la navigation, la cartographie, la boussole, les repères. L'Onisep a d'ailleurs comme logo une boussole qui est maintenant plus stylisée, qui au départ était vraiment une représentation. Et j'ai connu vraiment l'époque où on représentait le parcours d'orientation sous la forme d'un navire qui, comme Christophe Colomb, partait à l'aventure. Et on a donc besoin de cartes et de repères. Or, il est important de partager aussi avec l'ensemble des acteurs de la communauté éducative le fait que la carte n'est pas le territoire. Chacun se construit en fait sa propre représentation du monde et sa propre cartographie, notamment avec des frontières. Sur une carte, on va mettre des frontières et chacun a ses frontières individuelles. Et nous avons nos frontières collectives qui rendent compte de frontières mentales. Elles peuvent être utiles pour limiter la prise de risque, mais elles peuvent aussi être considérablement limitatives dans les possibles. Donc l'idée, je parlais de Christophe Colomb, c'est de rendre possible la sérendipité, c'est-à-dire cette capacité à prendre en compte de façon positive l'incertitude et finalement s'autoriser à prendre le risque de réussir quelque chose qu'on n'avait pas prévu. On ne va pas forcément trouver ce qu'on avait cherché, comme Pasteur également, mais on va mobiliser sa sagacité dans un monde, excusez-moi, je l'écris continent, c'est contingent. J'ai fait une coquille. Donc, mobiliser sa sagacité dans un monde contingent, c'est ce qu'on vit encore de façon plus aiguë depuis un an. Et on dit, vous savez, parfois que quelqu'un a de la chance. Ça arrive, mais la plupart du temps, c'est que la personne s'est mise dans des dispositions d'être capable de prendre en compte cette incertitude et de mobiliser toutes ses compétences pour utiliser finalement l'incertain, l'imprévisible de façon positive, constructive, et prendre le risque, effectivement, non seulement de trouver quelque chose qu'on n'avait pas prévu, mais même quelque chose de plus intéressant que ce qu'on avait prévu. Et parfois, on ne s'autorise pas. Et j'aime beaucoup cette citation de Ricœur. "Trop souvent, nous pensons qu'il nous est demandé de prendre une décision, alors que peut-être ce qu'il nous a demandé, c'est de laisser s'ouvrir un champ de possibilités inédites". Et trop souvent, ce que nous demandons à l'élève, c'est de prendre une décision ou de nous produire un projet tout ficelé, alors que ce qui est important pour lui, c'est sans doute de lui laisser s'ouvrir un champ de possibles. Et je vous laisse méditer ces deux citations. L'une de Charles Taylor, le fait que l'identité, bien sûr qu'elle se constitue à partir du lieu, du contexte où on est né, où on est rattaché, où on est situé aussi à un moment donné, mais aussi dans l'orientation qu'on choisit, dans cette marge de manœuvre de notre existence, et qu'on a cette capacité en permanence, comme le disait Deleuze, de refaire, de recomposer nos lignes et de les faire évoluer. On parle de bouger les lignes sur un sujet. C'est vrai aussi pour une personne. C'est vrai aussi pour une politique, pour une orientation d'une politique. On peut en permanence faire bouger ses lignes. Et Sénèque le disait : "Ma naissance ne m'attache pas à un seul recoin. L'univers entier est ma patrie". Le mot de pandémie, il est employé que pour les épidémies. Il pourrait aussi être employé, finalement, dans le domaine des possibles et de l'orientation qui s'ouvre à nous, et qui est non seulement possible géographiquement, mais qui est possible mentalement et qui est possible dans tout ce qui s'ouvre à nous pour orienter notre vie. Je vous remercie.
Merci beaucoup, Frédérique, pour cette présentation extrêmement riche et dense qui a fait naître un certain nombre de réactions. On sent votre attachement à la question de la marge de manœuvre, de la liberté, de la gestion de l'incertitude. Alors, on sent aussi, alors vous ne l'avez pas utilisé le terme, peut-être qu'on pourrait commencer par ça, que l'incertitude, plus qu'une opportunité, est souvent vécue comme un générateur d'angoisse. Donc, comment on pourrait réussir à désafférenter ces deux termes pour qu'on arrive à l'aborder de façon peut-être plus heureuse et plus harmonieuse ?
Oui, c'est très intéressant comme question parce que, comme le temps est court, on ne peut pas, je n'ai pas pu plus préciser, mais bien entendu, ce n'est pas un éloge de l'incertitude au sens qu'il faudrait laisser l'élève sans aucun repère. J'ai parlé de boussoles, de cartes et de repères. Bien entendu que nous sommes là pour fournir tous ces jalons, tous ces repères à l'élève pour qu'il puisse d'abord s'orienter, comprendre le contexte dans lequel il est, vers où il souhaite aller. Donc, on a besoin de limiter l'incertitude à ce niveau-là, c'est-à-dire de donner des informations fiables, ce qui est au cœur de la mission de l'Onisep, mais plus largement du système éducatif, et aider la personne à définir finalement des jalons et des repères et à dessiner sa cartographie. Simplement, l'idée, c'est qu'elle laisse la porte ouverte, si elle a dessiné un itinéraire, à l'imprévisible, au sens si, au cours du chemin, elle trouve des possibilités, des opportunités plus intéressantes qu'elle soit capable de les saisir, et de façon sagace. Et puis qu'elle s'autorise la réversibilité, c'est-à-dire qu'on n'est pas sur des rails avec un seul chemin, une seule possibilité, et c'est en ce sens-là. Donc, en conjuguant le fait de donner des repères, des jalons, de dessiner des cartes, mais qui peuvent être évolutives, et en laissant des portes ouvertes, on donne la place, j'allais dire, la plus efficiente à l'imprévisible. Et c'est cet équilibre, en fait, entre l'incertain et ce qu'on essaye de maîtriser de façon plus directe. Mais en même temps, la compétence à s'orienter, c'est exactement ça, c'est-à-dire être capable à la fois de s'informer, de voir quels sont les éléments qui dépendent directement de nous, ceux qui ne dépendent pas de nous, mais qu'on doit connaître, quelles sont les contraintes du contexte qu'on doit connaître, quelle est la réalité qu'on doit connaître et dont on doit tenir compte, et quelle est, dans cette réalité, la marge de manœuvre dont je dispose. Et c'est vraiment cet équilibre entre les deux qui bouge sans arrêt. Quand je parle de lignes qui bougent, d'identifier les effets, on est en interaction permanente avec un contexte qui est lui-même mouvant et on apprend à s'orienter en ayant des choses solides. Bien sûr que je ne fais pas un éloge d'une forme d'imprévisibilité constante. Mais, comme vous le dites très bien, David, ça fait baisser la pression. C'est-à-dire qu'on voit bien, il y a une étude de la DEPP qui le montre, ce n'est pas forcément la filière qui va être la plus importante dans une décision. Il y a des académies qui orientent, par exemple, les élèves qui ont 8 sur 20, majoritairement en bac pro, ce n'est pas forcément ça qui va être la condition pour qu'elles réussissent. On voit que c'est beaucoup plus l'accompagnement qui va être la condition de la réussite. Donc, en fait, c'est un éloge de l'accompagnement.
Très bien. Alors, effectivement, les questions sont nombreuses. Elles vont dans des directions très différentes qui rejoignent vos différentes entrées et les différentes précisions de votre conférence. Il y a notamment un aspect un peu désabusé par rapport au retour en formation secondaire. Vous appelez de vos vœux la nécessité d'une orientation tout au long de la vie, mais on se rend compte qu'il y a un effet du système qui rend les choses quelquefois plus compliquées. Et le retour n'est pas simple. Dans quel regard vous posez sur ça ? Est-ce que vous partagez ce constat ? Il y a encore des efforts à faire ?
En fait, le droit au retour, qui est dans la loi depuis 1989, la loi de 1989 prévoyait déjà 100 % de qualifiés, et notamment pour les 16-18 ans qui n'avaient pas obtenu de diplôme, l'obligation pour l'État de mettre en place les moyens de diplomation. On l'a retrouvé dans la loi de 2005, 2013. Et puis maintenant, on a vraiment, avec la loi de 2019, l'obligation de formation. Le droit au retour, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile des deux côtés. En fait, pour qu'un retour soit possible, il faut avoir bougé des deux côtés. Je prends souvent la comparaison d'une relation humaine. Quand il y a une rupture, on voit bien que ce n'est pas forcément simple et que si chacun ne fait pas un pas ou si chacun ne reconsidère pas, n'évolue pas, ça va être très compliqué de reprendre finalement une relation. Et on vit la même chose dans le retour. Les micro-lycées en sont un bon témoignage parce qu'effectivement, ils revoient complètement l'accueil, les conditions d'apprentissage, le fonctionnement collectif de l'établissement pour rendre possible ce retour. Et ils demandent aussi à l'élève un engagement, un travail, une analyse réflexive de son parcours pour que lui aussi ait reconsidéré les choses. C'est aussi pour cette raison que j'ai plaidé souvent, plutôt pour le droit au maintien, la prévention, le travail en amont, puisque je reprends la comparaison avec la rupture relationnelle. On voit bien que si c'est préventif, ça fonctionne quand même mieux tant que le lien n'est pas rompu. On est en orientation, Valérie Moulin en parle très bien, dans une démarche des liaisons, qui est vraie aussi pour le décrochage. C'est toutes ces considérations qui lient l'individu qui a un sentiment d'appartenance ou non. Donc, bien entendu que je plaide plutôt pour la prévention, plutôt pour le maintien et surtout pour une réflexion sur qu'est-ce qu'on fait changer pour rendre possible ? Quelles sont les conditions qui vont rendre possible ce retour de part et d'autre ? Si on ne travaille pas là-dessus, si on se contente de mettre l'élève sur une place vacante en se disant on lui redonne une chance et puis il la saisit ou il ne la saisit pas, bien entendu que ça fonctionne rarement.
Alors, on n'est peut-être pas très loin de ce sujet-là. Il y a de nombreuses questions sur l'émergence des soft skills. Qu'est-ce que vous en pensez comme planche de salut pour construire, imaginer un parcours ? Est-ce que ce sont là vraiment des opportunités pour avancer ? Est-ce qu'il ne s'agit pas tout simplement peut-être d'un artifice que l'entreprise ne prend pas encore suffisamment en compte ? Quel regard vous posez, vous, sur ces soft skills ?
Elles sont très proches des compétences qu'on demande depuis longtemps à développer pour s'orienter. Donc, bien entendu, j'allais dire que c'est des angles différents qui sont des prises de conscience, des compétences qu'on trouve aussi en partie dans le socle défini. C'est donc une prise de compétences qu'on a très peu prise en compte pendant longtemps dans le système scolaire, éducatif. Je me souviens d'un proviseur d'un grand lycée parisien qui me disait "je dois remplir des dossiers pour des jeunes qui souhaitent aller dans des universités américaines où là on leur demandait juste des compétences sociales, etc. Et je ne sais pas le remplir parce qu'on ne l'évalue jamais". Et eux, un 17 en maths, ils n'en ont rien à faire parce qu'ils ne voient pas à quoi ça va servir dans l'entreprise, dans le monde professionnel et même dans les études supérieures. Donc, j'allais dire, si on ne s'en empare pas comme un supplément d'âme, mais comme quelque chose qui transforme le regard, qui permet finalement de considérer l'élève comme une personne globalement, ce qu'on prône depuis très longtemps dans les services d'orientation. Dans ces cas-là, bien entendu, ça fait partie des compétences dont on a besoin, pas seulement quand on est élève, mais quand on est professeur, quand on est parent, pour interagir, pour être citoyen et pour être dans la société. Le risque qu'on a toujours, c'est d'empiler, c'est-à-dire de considérer que c'est quelque chose de nouveau. En fait, c'est souvent plutôt une autre façon de parler de quelque chose qu'on n'avait peut-être pas assez formalisé, formulé, et de le prendre en compte dans le système, mais pas comme un supplément, pas comme un objet qu'on évaluerait à côté, mais comme quelque chose de transformateur dans le regard qu'on porte sur les jeunes et dans ce qu'on évalue quand on évalue, au mérite, par exemple.
Au chapitre des mythes, vous avez notamment mis quelques réserves sur la vision adéquationniste, qui encore court, dans un certain nombre de cas. Or, ça semble être le cas notamment, vu de la fenêtre des collectivités locales et territoriales. Donc, comment on peut se faire, se rejoindre ces objectifs qui peuvent être un peu antinomiques, et ces logiques antinomiques ?
Alors, plutôt que de dire des collectivités locales, là, je n'ai pas assez d'éléments factuels, scientifiques pour le dire, ce qu'on constate en revanche, enfin, ce qu'ont constaté beaucoup de chercheurs d'études de France Stratégie, c'est qu'on a tendance à être adéquationniste avec les publics les moins favorisés. C'est-à-dire, typiquement, des chômeurs de longue durée, des décrocheurs, on va considérer qu'ils doivent forcément se positionner sur les métiers en tension. Comme si, parce qu'ils étaient chômeurs ou décrocheurs, ils devaient, de façon privilégier de métiers en tension. Donc, comment faire ? En fait, il faut en montrer l'inefficacité. C'est-à-dire, je crois que souvent, finalement, efficacité et puis, équité, égalité des chances se retrouvent, contrairement à ce qu'on pense. Ce que montrent toutes les recherches internationales, c'est la même chose pour la mixité sociale et scolaire, c'est que c'est un avantage. Ce que montrent les études dans les entreprises, c'est que la coopération, c'est un avantage. Finalement, c'est plutôt travailler sur ces croyances, montrer en quoi l'adéquationnisme ne permet pas une bonne intégration dans l'entreprise, ne permet pas une vraie valeur ajoutée pour l'entreprise. Et c'est grâce à toutes ces études qu'on va plutôt faire avancer. Plutôt qu'en faire un principe de base, je préfère toujours objectiver des faits et parler finalement à partir d'une étude, d'un constat. Et puis, rien qu'en montrant finalement ce que je présentais, l'inégalité, et pourquoi on n'imposerait plus l'adéquationnisme à certaines personnes qu'à d'autres, est-ce qu'en fait, on l'accepterait même, par exemple, pour nos propres enfants, etc. Donc, vous voyez qu'il faut toujours, à mon avis, avoir une démarche d'objectivation des faits.
Parmi les accompagnateurs, puisque vous en avez parlé, l'accompagnement général, il y a bien évidemment les parents. Alors, quelles places vous les voyez prendre dans le processus d'orientation ? Comment faire en sorte que ce soit de vrais alliés dans la construction du projet ? Est-ce seulement possible ? Comment vous voyez le rôle des parents dans la construction du parcours d'orientation ?
Alors, c'est une très vaste question. J'en parle effectivement dans mon ouvrage. Et il y a eu un article d'une fédération de parents, d'ailleurs, sur l'ouvrage, parce que ça les avait beaucoup frappés, la façon dont je l'abordais, parce qu'en fait, les parents, d'abord en tant que parents, ils ont une influence très grande sur l'orientation. Vous savez que c'est souvent le premier interlocuteur dans les enquêtes pour les enfants quand on évoque le mot orientation, c'est-à-dire qu'ils ont des attentes, ils ont eux-mêmes un passé dans le domaine de l'orientation et ils ont un vécu présent de leur carrière, de leur vécu professionnel. Et donc, ils vont projeter tout ça sur leur enfant avec plus ou moins de distance. Et donc, l'enfant, il doit déjà se situer par rapport à ses attentes, ses représentations, la transgression qu'il s'autorise ou non. Il y a des familles qui ont beaucoup d'autocensure par rapport aux ambitions, aux projections, d'autres, au contraire, qui ne laissent aucune ouverture et qui vont avoir des ambitions, qui, pour eux, sont très élevées, en tout cas, qui sont très précises. Donc, l'enfant, il a déjà à se situer par rapport à ça. L'éducation nationale aussi. Ensuite, on voit bien que, j'allais dire, ça va être une communication entre ces attentes de l'institution, les attentes des familles et celles des élèves. Alors, attentes, peurs, censures, ambitions, c'est tout ça qui va se jouer. Donc, le mouvement, il n'est pas du tout à sens unique, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas l'institution qui se dit, "les parents sont mes alliés pour arriver à tel endroit parce que je veux convaincre l'élève d'arriver là". Ce n’est pas du tout ça. C'est-à-dire comment l'élève peut tirer profit de ce que peuvent lui apporter, d'une part, l'accompagnement de l'institution et des parents ? Et comment c'est au bénéfice de l'élève et de l'ouverture des possibles que chacun va apporter sa pierre. Et donc, si l'institution accepte de se dire que non seulement ils sont des alliés, mais qu'en fait, chacun est là dans un rôle assez modeste d'accompagnement d'une personne, d'un citoyen qui est en train de construire son identité, son parcours, on voit sans doute les choses de façon différente. Et l'institution n'est pas là pour convaincre, par exemple, les familles de quelque chose. Elle est là aussi pour écouter, comprendre et peut-être moduler sa vision des choses à partir de tout ce qu'elle va apprendre de l'élève et des parents. Mais donc, c'est quand même un changement de paradigme là assez important sur lequel on avance avec la coéducation, sur lequel il faut aussi que les familles avancent, les parents. C'est donc vraiment un travail de longue haleine. Et mon livre, il s'adresse aussi bien aux parents qu'aux enseignants qu'aux jeunes, c'est-à-dire c'est comment, collectivement et individuellement, on travaille justement sur nos croyances. Et on a des objets communs. Ce que j'essaie de montrer, c'est que les croyances, les analogies tout cela, elles sont communes et que c'est peut-être en travaillant sur ces mythes qu'on va se retrouver plus facilement plutôt qu'en s'opposant sur des objets où on peut avoir des controverses très longues sur le redoublement. Je parlais de la composition des classes. Sans chercher d'abord là encore à objectiver et à voir d'abord si ça a une utilité dans le parcours à un moment donné et si l'élève va pouvoir s'approprier cette démarche-là.
Alors, collectivement, je vous emboîte le pas. Vous avez parlé d'un processus continu pour l'orientation. C'est aussi un processus collectif. Alors, qui dit collectif dit mobilisation, notamment des équipes éducatives, du corps enseignant. Or, on sent que ça fait encore l'objet d'une très forte hétérogénéité. Comment vous pourriez… Comment vous verriez une meilleure appréhension collective au sein des établissements scolaires de cette question de l'orientation pour en faire une vraie cause commune ?
Là encore, il me semble que c'est un malentendu. C'est-à-dire comme on demande effectivement, et c'est important de produire des programmes, le Parcours Avenir, on focalise beaucoup sur des événements à des moments précis qui ont leur importance et qui scandent un petit peu, qui peuvent être des repères dans l'accompagnement des parcours, les professeurs peuvent craindre parfois qu'on attende d'eux, finalement, quelque chose en plus au quotidien dans leurs pratiques professionnelles, dans la classe ou dans le système éducatif en général. Or, en fait, ce que j'essaie de montrer, c'est que par ce qu'ils vont faire passer dans leur classe, sur un travail sur les croyances, par exemple, est-ce qu'il y a des métiers masculins ou féminins, finalement, c'est au quotidien qu'on fait passer un certain nombre de messages, y compris en cours de mathématiques, dans la façon dont on va solliciter les garçons ou les filles, les remarques qu'on va faire, ce qu'on va écrire sur les bulletins, ce que j'essaie de montrer tout à l'heure, les décisions qu'on va prendre. Finalement, c'est beaucoup plus par une analyse réflexive de leur pratique et de leur capacité d'agir qu'ils vont être transformateurs dans le système sur l'orientation et ça, ça ne leur demande pas, en fait, quelque chose de nouveau. Et c'est simplement une analyse de pratique, une réflexion, une transformation de leurs gestes professionnels au quotidien. Donc ça, ça me paraît important à faire passer comme message. Après, il n'empêche qu'à certains moments, il y a des actes précis, mais là encore, quand on va préparer un conseil de classe, quand on va préparer une réunion parents-professeur, quels sont les messages qu'on veut faire passer ? Comme je l'indiquais tout à l'heure, finalement, quels objectifs on poursuit ? Quels messages on peut faire passer ? Et ça, on peut le travailler collectivement et après, avec une partie individuelle, quand on est dans la classe ou dans la relation interindividuelle. Donc j'allais dire, je rassurerais sur le fait que ce n'est pas un objet qui s'ajoute, mais que c'est un objet à l'intérieur des pratiques et que ce qui se transforme, c'est beaucoup plus une innovation, au sens strict du terme, c'est-à-dire une innovation à l'intérieur.
Très bien, merci beaucoup. Il est déjà 15 heures, cet événement touche à sa fin. Un grand merci à vous, Frédérique, de vous être prêtée au jeu en nous permettant de penser la question de l'orientation sous un jour nouveau, avec des perspectives revisitées. Le sujet, on le sent bien, est inépuisable, mais vous nous avez offert un regard différent et peut-être à nous la possibilité de s'y engouffrer autrement. Le titre de votre ouvrage résume bien les enjeux du moment. Il y a des mythes, il y a les paradoxes, mais il y a aussi des défis et autant de pistes à creuser. Donc, merci à vous. Merci aussi à l'ensemble des participants pour la qualité et la variété de vos questions, qui traduit l'intérêt que vous semblez avoir trouvé à ce premier rendez-vous de l'orientation. Je vous donne rendez-vous le 26 mai pour une intervention de madame Maela Paul, qui est Docteur en sciences de l'éducation et qui nous fera partager son point de vue et son expertise sur la question de l'orientation. Vous trouverez des infos plus précises sur le contenu de son intervention sur le site onicep.fr. J'espère que vous serez aussi nombreux que vous l'avez été aujourd'hui et que d'autres se joindront à vous. Au nom de l'Onisep encore merci à toutes et à tous et à très, très vite.
Au revoir et bonne journée.