Le rôle du lycée, ça va être d'accompagner l'élève à la construction d'un projet qui lui correspond, un projet qui va lui permettre d'être en réussite. On met en place dans les établissements scolaires toute une stratégie chronologique, donc c'est dès l'arrivée dans le lycée qu'on essaie de prendre en charge les élèves, donc première chose à faire c'est identifier les besoins de chacun. Donc l'identification des besoins se fait à travers des entretiens individualisés que nous avons systématisés pour tous les élèves qui rentrent au lycée professionnel, que ce soit en seconde professionnel, en première année de CAP, mais également à travers une passerelle qui pourra arriver directement en classe de première professionnel. Ils sont reçus par un binôme d'enseignants, on essaie de faire en sorte que ce soit le professeur référent pour les périodes de formation au milieu professionnel, parce que ça permet de commencer à faire ce lien de confiance avec l'élève. Et donc à partir d'un questionnaire de positionnement sur les intérêts de l'élève, le choix de son parcours d'orientation, le rapport qu'il a à l'école, ça nous permet de déceler déjà un certain nombre de problématiques. Et ensuite, dans le cadre du groupe de prévention du décrochage scolaire, en lien avec le pôle psychomédico-social, on va pouvoir informer des différentes problématiques que ressentent les élèves et essayer de les diriger vers le personnel qui va pouvoir les accompagner au mieux.

Ce que j'ai pu voir à travers mes recherches, mais aussi à travers différentes visites de lycées professionnels, rencontres avec les enseignants et les élèves, c'est qu'il y a une grande sensibilité chez les élèves autour de ce que j'appelle la qualité de la relation pédagogique, presque la proximité pédagogique avec les enseignants. Donc, une des caractéristiques et des spécificités, c'est d'être au plus proche de ses élèves, d'abord de dédramatiser dans beaucoup de cas la question du choix ou non choix d'orientation, parce que les filières en lycée professionnel sont plus ou moins sélectives, donc il faut travailler avec les élèves justement sur « si jamais je ne suis pas dans la formation que j'avais choisie, comment on peut les réconcilier et apaiser le rapport aux études ? Et contrairement aux idées reçues, j'ai pu démontrer que le choix et le non-choix d'orientation ne sont pas en eux-mêmes déterminants de la réussite. En fait, ce qui compte beaucoup, c'est cette qualité de la relation, cet accompagnement, le fait de leur donner confiance, parce qu'il y a aussi beaucoup d'élèves qui sont parfois un peu abîmés par les études, par d'autres difficultés qui ne sont pas que scolaires, et donc leur donner confiance dans l'école pour qu'ils aspirent à se former et à réussir, et combien d'entre eux réussissent justement parce qu'ils découvrent que contrairement à ce qu'ils avaient intériorisé comme image, ils sont capables de réussir parce que les stratégies pédagogiques sont aussi là, et je dois saluer aussi ce travail qui est mené par les PLP, les professeurs de lycée professionnel, qui ont souvent d'ailleurs une conscience très, très vive des besoins d'accompagnement de leurs élèves.

C'est tout au long de la scolarité que nous allons accompagner les élèves, donc au-delà d'un positionnement qui est fait en début d'année pour déceler les fragilités et les besoins d'accompagnement des élèves, dans le cadre de l'accompagnement personnalisé, justement les enseignants vont travailler avec les élèves sur la méthodologie du travail sur l'orientation, sur la méthodologie de la période de formation en milieu professionnel qui va pouvoir faire avec eux le lien avec le futur métier qu'ils souhaitent réaliser. Nous avons des temps pendant l'année de semaine de l'orientation spécifique où on invite des acteurs à l'intérieur de l'établissement qui vont pouvoir présenter leur métier, qui vont pouvoir faire découvrir de nouveaux métiers en lien avec la spécialité de diplôme que sont en train de préparer les élèves. Nous avons aussi les temps de conseil de classe qui sont des temps d'échange avec l'ensemble de l'équipe pédagogique pour pouvoir ajuster le projet des élèves. Les professeurs principaux rencontrent régulièrement les parents pour faire le point sur ce projet puisque les élèves ont des échanges à l'intérieur de l'établissement avec les différents personnels sur leur projet, mais ils ont parfois des discours qui sont différents à la maison. Donc le but c'est de pouvoir ajuster pour faire en sorte qu'à la fois à la maison et au lycée, on puisse se diriger dans le même sens. Tout ça pour essayer de
favoriser la réussite de l'élève.

Nous avons affaire à un certain nombre de jeunes qui ont subi le processus d'orientation et qui, en cours de scolarité, se rendent compte que le diplôme qu'ils sont en train de préparer ne correspond pas à leurs envies. Donc nous allons essayer d'accompagner ce jeune pour essayer de reconstruire un nouveau projet d'orientation. Donc ça se fait à travers un certain nombre de procédures, notamment la procédure passerelle. La procédure passerelle permet aux jeunes de pouvoir se réorienter dans une nouvelle filière pendant l'année ou à la rentrée suivante. ça se fait à travers des stages passerelles où on va réfléchir sur un nouveau parcours, aller découvrir dans le lycée qui propose ce nouveau parcours, que c'est bien ce qui nous intéresse. Parce que parfois les élèves ont des mauvaises représentations d'un certain nombre de filières. Donc il y a des filières qui reviennent énormément, les filières commerces par exemple, un élève a parfois du mal à faire la différence entre la filière commerce et la filière vente, ce n'est pas du tout la même chose. Pour eux, ils parlent de commerce en parlant de vente. voilà, on a besoin de faire des stages avec ces élèves-là pour vraiment se formaliser sur les différentes idées, pour éviter les erreurs d'orientation. Donc notre objectif c'est toujours d'essayer de diriger l'élève vers une formation qualifiante, vers un diplôme, mais en essayant de perdre le moins de temps possible. Tous les élèves ont le droit de se tromper, mais ce qu'il faut c'est pouvoir signaler le plus vite possible qu'on s'est trompé pour qu'on puisse apporter de l'aide.

Beaucoup d'élèves réalisent que même s'ils n'ont pas choisi, parce qu'ils sont accompagnés par des enseignants, parce qu'ils découvrent qu'ils sont capables de réussir en lycée professionnel là où ils ont eu des difficultés au collège, ça crée chez eux ce que les élèves appellent le déclic. Alors cette notion de déclic, c'est une notion qui renvoie d'abord à la qualité de l'écoute que les enseignants et les équipes éducatives sont capables de mettre en place, et l'élève découvre par exemple que le fait de réussir en français, le fait aussi de découvrir des activités professionnelles dans un domaine qu'il n'avait absolument pas imaginé, l'ouvre également sur des projets. Et en fait, ça m'a amené à réviser un peu cette relation entre choix et non-choix d'orientation sur la réussite scolaire. On a aussi les cas d'élèves à l'inverse qui choisissent, disent-ils, des formations et qui sont déçus par le contenu de formation, parce que c'est parfois éloigné de ce qu'ils avaient imaginé. Et puis il ne faut pas oublier une chose qu'on a souvent tendance à minorer, c'est qu'on a beaucoup d'élèves qui réussissent à l'école sans avoir de projet professionnel, ce qui amène à peut-être réinterroger la surestimation que nous faisons du projet en en faisant presque souvent le déterminant de la réussite. Combien nous avons d'élèves, même dans la voie professionnelle, qui réussissent en bac professionnel ou en CAP, et qui ont des projets par la suite qui peuvent être très éloignés du métier qu'ils sont en train de préparer.

Un des enjeux majeurs de l'accompagnement vers le projet, c'est de mieux exploiter par exemple les périodes de formation milieu professionnel. Alors ça fait partie d'ailleurs de ces étapes, de ces moments qui servent à la certification pour obtenir un CAP en bac professionnel, mais ça devrait aussi donner lieu à des échanges partagés entre élèves et enseignants pour mieux exploiter ces périodes. Par exemple, j'ai remarqué qu'il y a beaucoup d'élèves qui, en fonction de l'employeur ou de l'entreprise dont ils ont fait un stage, quand ça se passe bien, c'est plutôt sympathique, c'est bien, ils en apprennent, mais parfois ça ne se passe pas toujours très bien, et ils ont parfois tendance à penser que toutes les entreprises fonctionnent de cette manière. les enseignants peuvent exploiter collectivement avec les élèves ces périodes de formation milieu professionnel, ça amène les élèves aussi à se décentrer et à dire peut-être que ça fonctionne de cette manière dans cette entreprise, mais peut-être il y a d'autres expériences. Et comme les élèves aussi font des stages dans différentes entreprises, ça contribue aussi à construire chez eux un des volets majeurs, me semble-t-il, de la formation et de l'accompagnement des élèves, construire aussi des compétences qui ne sont pas des compétences seulement professionnelles, mais des compétences qu'on appelle aujourd'hui psychosociales ou sociocomportementales. Et ça, c'est un élément extrêmement important, parce que nous savons que tous nos élèves n'ont pas toujours les codes sociaux, les codes culturels qui leur permettent de s'ouvrir sur l'environnement. Là, c'est l'occasion de le faire à travers ces exploitations de ces périodes en milieu professionnel.