Comprendre les apports de la pédagogie de projet dans l'orientation - OnisepTV : l’information pour l’orientation en vidéo
Comprendre les apports de la pédagogie de projet dans l'orientation
Accompagnement des Equipes Educatives
Je suis enseignante en économie-gestion. Dans ma classe, tous les ans, on ouvre une mini-entreprise. Au départ, l'idée, c'était de rendre un peu concrets les enseignements que je donnais à mes élèves dans le cadre de la science de gestion et du numérique et d'observer les fonctions supports d'une entreprise et la manière dont ça fonctionne en entreprise. Moi, à titre personnel, c'est aussi une pédagogie un peu alternative, un petit moment dans la semaine où on fait un cours, mais autrement. À titre d'exemple, depuis deux ans, avec une classe, d'abord de première et qui est devenue une classe de terminale, on a créé une mini-entreprise dans le domaine du développement personnel.
Au départ, on n'était pas trop partis sur l'idée du développement personnel parce qu'à la base, moi, je ne sais même pas c'est quoi, le développement personnel. À la base, on voulait faire une marque. Après, la prof nous a posé des questions : "Qu'est-ce qui vous plaît et qu'est-ce qui vous pousse dans vos vies ?" Moi, j'ai cru qu'il y a plein de gens qui allaient sortir des réponses, mais c'était le silence.
Vraiment total, limite pesant. On sortait du Covid, il y avait une série de confinement ; puis est venue l'idée de se dire : "On ne fait rien, et encore plus depuis le confinement. On est beaucoup sur nos téléphones."
Là, on s'est posé des questions. Réellement, de quoi on avait besoin dans notre vie ? On a vu qu'on avait un certain besoin de motivation pour pouvoir aller de l'avant, pour réaliser nos rêves.
Et ils se sont dit : "On va créer un outil de développement personnel, créé par les jeunes, pour les jeunes. Au départ, c'était ça l'idée. Ils ont créé ce qu'ils appellent la Dream box. La Dream box, c'est une boîte dans laquelle on retrouve 30 cartes pour 30 jours. L'idée, c'est d'aller piocher tous les jours sa petite carte, sa petite carte de motivation. De là, on a découvert le marché du développement personnel. Ils ont vu que c'était un marché porteur. Ils ont mis en place une étude de marché comme on fait en entreprise, des enquêtes, et s'est lancée la mini-entreprise Dream project.
Après, chacun, par exemple, voulait travailler sur un poste ; ça veut dire qu'on a postulé pour des postes.
Ils ont créé leur CV, ils ont fait une lettre de motivation, ils se sont préparés pour l'entretien et ils ont passé une session d'entretien dans les locaux de la Cité des métiers.
On a passé des sessions d'entretien avec les terminales RH, Ressources humaines de l'année dernière.
Donc en milieu un peu professionnel, etc. C'est une première expérience. Ensuite, ils ont été recrutés sur leur poste, ils ont fait une petite cérémonie d'ouverture de la mini-entreprise et ils se sont lancés sur la conception du produit. Ils ont commencé à avoir une boîte, deux boîtes, puis ils se sont dit : "OK, génial ! Nous, notre objectif, c'est d'aller tous au restaurant à la fin de l'année."
Au départ, nous, on voulait faire des bénéfices pour pouvoir passer un moment convivial ensemble, aller au restaurant, rigoler. Mais après, quand on a vu qu'on a fait des salons, qu'on a remporté des trophées, on a vu que ça impactait énormément les gens.
Ça a suscité l'intérêt de la mairie, ça a suscité l'intérêt de la Région, du Département, d'entreprises. Ils ont eu des commandes, des tonnes de commandes. En un mois et demi, ils ont eu un sold out total et ils ont créé 4000 euros de bénéfices.
En gros, on a vu que ça a pris beaucoup d'engouement, on faisait beaucoup de ventes, etc. Après, on a rencontré l'association Soleil d'enfants ; grâce à on a nos réseaux, on les a contactés. On a vu qu'ils faisaient un humanitaire où ils allaient aider des gens, tout ça. Nous, on s'est dit : "Pourquoi pas les aider aussi ?" C'est pour ça que, de là, on s'est donné un objectif de faire environ 21 000 euros pour pouvoir tous partir au Maroc ensemble et réaliser cette action humanitaire qui est d'apporter de la nourriture, des affaires scolaires, mais aussi un soutien moral et physique aux personnes qui sont dans le besoin.
Et ils se sont lancés avec beaucoup de détermination, beaucoup de travail. Honnêtement, je suis admirative de la manière dont ils ont travaillé autour de ce projet. Ils venaient avant les cours, ils partaient après les cours, bien après les cours. Ils ont fermé le lycée à plusieurs reprises. Tout le monde leur faisait confiance, tout le monde était emballé par le produit. Ils ont réussi, en décembre, à atteindre les 22 000 euros. On a fait voter le projet devant le CA pour le voyage humanitaire, ça a été accepté. On est partis au mois de mai, il y a quelques semaines, on est partis au Maroc.
Ce que la mini-entreprise leur apporte, c'est qu'ils vont être dans le monde professionnel de manière réelle, c'est-à-dire qu'ils vont découvrir les services d'une entreprise. Ils se rendent compte de la réalité de l'entrepreneuriat, ils se rendent compte également de la réalité du marché du travail. Après, il y a tout l'aspect très technique ; par exemple, le comptable apprend à faire un compte de résultat prévisionnel, il apprend à faire un compte de résultat, il apprend à faire un bilan, il apprend à faire un journal. Les RH, eux, apprennent à mettre en place des grilles d'entretien, des fiches de poste. Il y a tous les aspects très pratiques qui sont liés aux métiers.
Au départ, moi, j'étais responsable production parce que j'ai toujours aimé ce qui est approvisionnement, gérer tout ce qui est matières premières, etc. ; c'est-à-dire, au début, j'étais responsable production, je m'occupais de l'achat des matières premières et de la gestion des stocks. Après, comme dans toute entreprise, des fois, il y a des changements ; quand ça ne va pas, on essaie d'améliorer. C'est là que, comme la prof a vu que j'étais un profil intéressant, elle m'a proposé de devenir PDG de l'entreprise et comme c'était un poste qui me plaisait, j'ai accepté. Avant la mini-entreprise, je ne savais pas quoi faire. On m'a dit que STMG, ça ouvrait beaucoup de portes, donc j'ai dit pourquoi pas STMG, je vais essayer, vu que je ne sais pas quoi faire. Dans tous les cas, si ça offre le plus d'opportunités possibles, pourquoi pas. Comme on a fait plusieurs rencontres avec la mini-entreprise, on a pu rencontrer un acheteur et j'ai bien aimé le métier qu'il faisait. Moi, j'ai envie de faire des achats plus tard dans ma vie, je peux être acheteur.
On a un lien très fort entre les tâches qu'ils ont réalisées dans la mini-entreprise et leur orientation. Après, on en a d'autres qui disent : "Non ! J'ai commencé par faire Chargé de ressources humaines et ce qui est sûr, c'est que je ne vais pas faire ça." Soit ça va aller totalement à l'opposé de ce qu'ils ont découvert et c'est bien parce que ça va déconstruire les idées qu'ils s'étaient fait sur les métiers ou soit, à l'inverse, ils trouvent leur voie et se disent : "Génial, j'ai déjà en plus une expérience", ce qui leur permet d'avoir une expérience, en tout cas, d'avoir la crédibilité de postuler pour de l'alternance. Nos élèves ont participé à la mini-entreprise, ils ont un CV dans lequel ils peuvent dire des choses et c'est plus facile pour eux.
Je pense que pour le bac, ça m'a apporté des choses parce qu'avant, je n'avais pas trop la motivation. J'allais à l'école, mais sans plus. La mini-entreprise m'a donné goût, un peu, à l'apprentissage scolaire. Ça fait que j'ai bien aimé apprendre et passer au-delà de mes limites. Le bac, c'est un grand jour comme dans ma vie, et passer au-delà de mes limites pour aller décrocher ce baccalauréat, pour moi, c'est important.
Ça apporte beaucoup aux élèves, surtout sur un public STMG. C'est un public qui n'est pas forcément à l'aise avec les enseignements qu'il a reçus depuis le début. Nos STMG, aussi, ne sont pas à l'aise avec la filière dans laquelle ils sont parce que c'est une filière dévalorisée. J'avais une classe plutôt agitée, absentéiste. Le fait de se mettre en mode projet, de rendre les choses un peu plus concrètes, de créer de la cohésion aussi, de la cohésion et un mouvement positif dans la classe, déjà, dans un premier temps, ça les a raccrochés. J'ai retrouvé mes élèves. J'ai plein d'élèves qui venaient parce qu'il y avait une mini-entreprise. C'était un moment, pour eux, de s'épanouir à l'école et jusqu'à maintenant, ils ne l'avaient jamais vécu. J'ai eu d'autres élèves qui étaient très timides, qui ne pouvaient pas décrocher deux mots, et c'est vrai qu'en termes de compétences sur la prise de parole, ça n'a plus rien à voir. J'ai l'impression qu'à chacun, individuellement, ça leur apporte quelque chose de différent. Ce qui est sûr, c'est que ça leur apporte une confiance en eux, énorme. Ils se valorisent et ça leur fait du bien.
Humainement, je pense que, maintenant, je suis plus humble, j'ai la tête sur les épaules, je réfléchis mieux. Ça m'a appris la sérénité parce qu'avant, je ne réfléchissais pas trop ; je ne voyais pas d'autres points de vue, je ne voyais que le mien. Là, ça m'a ouvert les yeux ; je peux plus voir ce que les gens ressentent parce qu'en communication, maintenant, je me suis amélioré, alors qu'avant, je ne cherchais pas forcément vers mes camarades et voir ce qu'ils pensaient.
Quand je vois à quel point ça leur a fait du bien, je ne regrette pas le fait d'avoir à un moment donné, pris le risque d'aller sur une autre forme de pédagogie pour atteindre d'autres objectifs, pas du tout. L'idée, ce n'est pas d'en faire une entreprise qui va créer des bénéfices ; s'ils le font dans de bonnes conditions, tant mieux. L'idée, c'est d'imaginer c'est quoi un modèle économique, c'est quoi une entreprise, de découvrir autre chose, de se rendre compte que le marché du travail, le marché de l'emploi, tout ça, ça existe, et d'essayer de faire un lien tout doucement. Après, ce qui est sûr, c'est que je laisserai les élèves en faire leur projet. Je leur propose un projet et ils en feront leur projet. Je pense qu'il n'y a que comme ça que ça peut fonctionner.
La pédagogie de projet est une démarche très utilisée dans les filières technologiques. Elle se révèle d’une très grande pertinence en tant que méthode d’enseignement. Nous vous proposons dans cet exemple de prendre connaissance d’une expérimentation qui s’est déroulée au lycée Suger de Saint-Denis (93) et qui concerne l’orientation via la mise en oeuvre d'une activité de création de mini-entreprise.
Vidéo publiée en septembre 2023
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