Transcription
Bonjour. La séance commence toujours par un accueil individualisé. Je me fais force de prendre connaissance de l’état émotionnel de mes élèves. C’est primordial de savoir dans quel état d’esprit ils se trouvent le matin même. L’élève qui peut être en difficulté par rapport à un état émotionnel particulier, je peux, au cours de la séance, plus individuellement, revenir avec lui, lui demander s’il veut ouvrir la parole, s’il veut discuter avec moi, s’il a un problème, si je peux l’aider. Aujourd’hui la séance, mardi 14. On a fait du rebouchage. On a préparé les supports, donc on va revenir dessus. Aujourd’hui, Café chantier. On va recevoir un professionnel, Monsieur Grégoire. Et cet après-midi, on posera la résine sur le plan de travail. On est dans la continuité de ce qu’on fait. Tenue de travail dans un atelier. Vous avez tous vos tenues ? Allez, opération (va changer).
Le Café chantier que j’ai imaginé, j’ai choisi la didactique suivante. Je fais intervenir un professionnel avec un moment privilégié, c’est-à-dire un temps d’échange autour d’un café où on peut échanger sur le milieu professionnel généralement, qu’on peut retrouver dans le milieu tertiaire, dans le milieu du bâtiment, et institutionnellement. Le mardi, on fait le Café chantier, donc il est dans l’emploi du temps. Il est fléché. Les élèves l’attendent, c’est un moment privilégié. On va recevoir aujourd’hui Monsieur Grégoire qui est artisan, donc je vous demande d’accueillir Monsieur Grégoire. Il s’avère qu’aujourd’hui, on avait un patron, mais on a aussi eu une psychologue de l’Éducation nationale. On a des chefs d’établissement, le responsable du CFA de la localité. Ça fait partie des compétences de l’enseignant de créer du lien avec les entreprises. Monsieur Grégoire est un artisan à qui on a demandé gentiment qu’il vienne nous voir pour partager son expérience sur la filière qui est la sienne. Il va se présenter. Vous allez voir. Il sait plein de choses, Monsieur Grégoire. Beaucoup. Monsieur Grégoire, c’est moi. Je suis maître artisan au rayon peinture. Je suis aussi président de jury sur les épreuves CAP, BP et Bac pro. Le but est de leur faire découvrir un certain nombre de métiers et de les accompagner dans leur recherche et de les accompagner dans leur orientation. L’orientation, c’est un mot très important, mais ils ont du mal à se projeter. Le fait d’avoir des gens qui ont une expérience différente, avec des mots différents, qui viennent de structures différentes, apportent chacun dans leur domaine. L’élève peut se nourrir de toutes ces expériences pour construire son propre projet. Le professionnel se présente. Les élèves se présentent individuellement. À travers cette présentation, les élèves vont travailler une compétence qu’ils vont réinvestir dans l’oral du CFG et l’oral du DNB. Ce sont les deux examens qu’ils passent en fin de troisième. Ça permet aussi, quand ils se présentent à un patron, d’avoir cette facilité d’élocution. À toi, Loris. Bonjour, Moi, c’est Loris Bouvier. J’ai 16 ans, j’habite à Autun et mon projet pour l’année prochaine serait de partir en CAP en maintenance de véhicules en mécanique. Bonjour, moi, c’est Ahmed Yassine Benattia. J’ai 14 ans, j’habite à Autun. Autour de cette table, il y avait l’enseignant, moi-même, le professionnel. On trouve aussi une AESH, une personne qui accompagne les élèves. Cette personne est mutualisée sur plusieurs élèves. Elle va avoir un domaine d’action. Elle va accompagner l’élève qui n’aura pas compris, l’élève qui est peut-être un peu détaché, l’élève qui a du mal à écrire. Elle seconde l’enseignant dans les consignes. Elle va répéter la consigne. Cette personne est notre relais et elle appuie notre pédagogie. Une fois que le professionnel s’est présenté et que les élèves se sont présentés, on laisse la parole plutôt libre. Le Café chantier, c’est un moment convivial. On échange à bâtons rompus. Souvent, on prépare quelques questions au professionnel en amont. Les questions que vous pouvez poser à Monsieur Grégoire parce que Monsieur Grégoire est là justement pour vous parler du milieu professionnel et il est là pour avoir des réponses à vos questions. Ça permet aussi, quand il prend un apprenti ou quand il prend des élèves en stage, de savoir ce qu’il peut attendre d’un élève. C’est quoi les questions que vous auriez à lui poser, à Monsieur Grégoire ? Comment vous avez fait pour en arriver jusque-là aujourd’hui ? J’ai déjà bien travaillé au bahut, j’ai un niveau de seconde et je suis parti après en CFA où j’ai fait un apprentissage. J’ai eu la chance que mon père était peintre, donc j’ai fait mon apprentissage chez lui. Les élèves, justement, posent un certain nombre de questions, des fois des questions personnelles. Je pense que c’est important parce que les traces de vie mettent de la couleur à ce parcours qui est singulier pour certains d’entre eux et qui permet justement de se dire : "Je ne suis peut-être pas tout seul, moi aussi. Mon papa ou ma maman, je ne suis pas toujours en phase avec. On n’a pas toujours les mêmes avis, on n’est pas de la même génération", donc on peut avoir aussi son avis. Et je me suis installé à mon compte en 91. J’en suis là aujourd’hui. Vous avez passé quels diplômes ? Les échanges sont libres. Il faut les orienter dans le fait que les élèves peuvent se perdre un peu dans les dialogues. Comment vous vous y prenez pour prendre des élèves en stage ? La question, je crois, c’est : Qu’est-ce que tu attends d’un élève qui vient pour être dans ton entreprise ? C’est ça, je pense. Autrement, j’avais quand même une réponse. Généralement, comme je fais les corrections dans les lycées, ce sont les profs qui donnent mon numéro de téléphone aux stagiaires. Ce Café chantier apporte aux élèves toutes les ficelles qui vont leur être utiles pour plus tard. On travaille tout un tas de compétences qui leur servent au quotidien, prendre la parole, affirmer un point de vue, d’affirmer quelque chose, le partage. On apporte quelque chose à partager. Ça peut être tiré du placard, ça peut être acheté en boulangerie. On s’adresse à un professionnel, à un adulte, quelqu’un qu’on ne connaît pas, donc on a des codes. On travaille des compétences, c’est-à-dire qu’on va parler d’avenir, un avenir qui les concerne directement parce qu’on va parler d’apprentissage, de lycée professionnel, d’examen, des futures matières. Tout ce travail leur permet d’approcher des compétences que je peux évaluer et notifier dans leur livret de compétences.
On peut peut-être aborder le sujet du CFA parce que Monsieur Grégoire connaît bien le fonctionnement des CFA, parce qu’il est partie prenante dans les CFA. Posez-lui des questions, ceux qui veulent partir en apprentissage. Qu’est-ce que va être votre vie en apprentissage ? Je me demandais comment ça allait être quand on va devoir aller au CFA. J’ai pour projet d’aller en CFA, soit à Dijon, soit à Mâcon. Sinon, en deuxième choix, m’inscrire au lycée à Chalon. Toi, c’est mécanique et auto. Au niveau des CFA, tu as une semaine de stage CFA toutes les deux ou trois semaines. Tu vas être deux ou trois semaines chez ton patron qui va t’apprendre la mécanique. Et après, tu as une semaine au CFA. À l’issue de ce Café chantier, on réinvestit les phrases clés. Monsieur Grégoire, au prochain coup qu’on fera de la peinture dans une semaine, on va réinvestir tout ce qu’il nous a dit, la rigueur, travailler son support pour ne pas avoir à revenir après, la qualité, prendre son temps. On va réinvestir tout ça. Généralement, les élèves de SEGPA sont très appréciés du milieu professionnel parce qu’ils ont cette culture, ils ont cette pratique. Les élèves ont des fois six heures d’atelier avec une tenue professionnelle, des chaussures de sécurité, des codifications d’entreprise. On met en place le chantier, on réalise le chantier, on replie le matériel, on nettoie le chantier et après, on fait le point. C’est vraiment une situation professionnelle. Avant de partir, il doit faire quelque chose normalement. Si vous pouviez remplir une feuille pour noter que… Que vous êtes passé. Comme les anciens. Les autres personnes qui sont derrière.
D’année en année, les élèves sont sensibles à ces mots d’encouragement. Généralement, nos élèves, en section professionnelle, sont souvent les cabossés de l’école. Toute leur vie, ils ont eu des difficultés. Ils n’ont pas toujours trouvé les compensations à mettre en face pour avoir un apprentissage normal. Le fait qu’il y ait des personnes extérieures qui leur disent que ce qu’ils font, c’est bien, l’orientation, c’est important et qu’ils ont toute leur place dans notre société, ça apporte une plus-value à toutes ces interventions.