Transcription
Je pense que c'est important de ne pas opposer rural et urbain comme si c'était deux réalités complètement opposées. Les lycéens aujourd'hui, qu'ils soient dans l'urbain, du périurbain ou du rural, ils partagent des préoccupations qui sont assez similaires, qui sont des préoccupations des fois du quotidien, des questions d'amour, de notes, etc. Et il y a aussi évidemment la crainte ensuite de qu'est-ce que l'on va pouvoir faire après ça, avec effectivement la sélection, est-ce que je pars à l'université ? Là où par contre on va avoir une différence importante, c'est sur le fait qu'aujourd'hui, partir faire des études après son lycée, c'est souvent synonyme de quitter la campagne aussi. Et ça n'est pas seulement synonyme de quitter la campagne, mais c'est aussi quitter son milieu de vie, quitter ses parents, qui sont une ressource aussi pour avancer dans la vie. Et donc, dans ce cas-là, souvent, les urbains ont un petit peu plus de chance que les ruraux, puisqu'ils n'ont pas toujours la possibilité ou l'obligation de devoir faire ce choix. Ce qui fait qu'il y a cette préoccupation supplémentaire de se dire, finalement, est-ce que je vais partir faire des études, ce qui implique un coût, un risque, ou est-ce que je vais rester et faire avec ce qu'il y a sur place ? Et sur place, c'est souvent des formations qui sont un petit peu plus courtes, un petit peu plus professionnalisantes, même si, effectivement, il y a des instances qui permettent de pallier ce phénomène. Alors, la première intuition qu'on pourrait avoir, c'est de se dire que dans les territoires ruraux où il y a une composition en termes de catégories socio-professionnelles qui est un petit peu plus populaire, ou du moins où il y a une sous-représentation des enfants de cadres supérieurs, de professions intellectuelles supérieures, et plus toutes nos représentations un peu passées sur les espaces ruraux, on pourrait se dire qu'il y aurait un retard. qui parle d'un déficit dans les territoires ruraux. Or, il n'en est rien, en réalité, les résultats des ruraux sont peu ou prou similaires à ceux des urbains, voire, dans certains cas, légèrement supérieurs, ce qui fait qu'ils dépassent un petit peu ces entendements sociaux. Et donc, ce n'est pas parce qu'ils sont moins bons, ce qui serait une lecture un peu simpliste, qu'ils s'orientent vers ces filières. En réalité, c'est plutôt puisque, comme je le disais sur la première question, partir faire des études, eh bien, ça veut dire partir de chez soi. Et ce qui se passe, c'est qu'on a un rapport entre trois éléments qui sont la formation, l'emploi et le territoire, qui est toujours assez cohérent. Ce que ça veut dire, c'est que sur un territoire, en général, on a un type de formation qui a tendance à correspondre à l'emploi qui est aussi sur ce territoire. Dans les territoires ruraux, on a effectivement des filières qui sont plus professionnalisantes, puisqu'elles répondent à l'offre d'emploi et le marché de l'emploi qui se trouvent sur ce même territoire. Ce qui fait que ça ne veut pas dire qu'ils manquent d'ambition, ça ne veut pas dire qu'ils sont moins doués que les autres, mais que souvent il y a une réponse assez cohérente entre finalement le désir de rester pour beaucoup, Et qu'est-ce qu'on peut faire sur place ? Certains diplômes n'ont finalement de valeur que dans certains territoires. un master en ingénierie aérospatiale, ça me sera bien plus utile si je suis à Toulouse où il y a une forte demande dans ce domaine-là que si je veux vivre en Creuse à la campagne, par exemple. Donc voilà, il faut bien comprendre ce rapport-là qui fait qu'ils ont des filières plus courtes et plus professionnalisantes. Ce n'est ni un manque d'ambition, ni un manque de capacité, mais en fait c'est un choix cohérent. Pour moi, idéalement, une orientation réussie, c'est une orientation qui correspond à un souhait d'un jeune. La difficulté qu'on va avoir aujourd'hui, en France en tout cas, c'est qu'on a des parcours qui sont un petit peu sur rails. C'est-à-dire qu'on a des difficultés, même si c'est possible, à changer de filière, à changer de parcours, à s'imaginer un autre avenir professionnel. Et c'est vrai que parfois, ça peut être très précoce de demander à quelqu'un à 14, 15 ou 16 ans ce qu'il veut faire plus tard. Donc je dirais qu'un parcours réussi, finalement une orientation réussie, c'est une orientation où on se laisse le choix de pouvoir essayer plusieurs choses qui peuvent nous plaire, parce qu'il faut aussi laisser le temps, c'est pas un échec que de reprendre une formation, que d'essayer autre chose qui peut nous intéresser plus, et c'est surtout d'arrêter de faire quelque chose que moi j'observe malheureusement beaucoup sur mon terrain, qui sont des orientations par défaut, ou des orientations par niveau attendu. Chez des jeunes qui vont avoir des difficultés scolaires, on préfère parfois les orienter vers des filières qui vont être considérées comme plutôt faciles pour avoir un diplôme, même si ça n'est jamais toujours simple, plutôt que vraiment par un choix appuyé du jeune. Donc ça, ça crée du décrochage scolaire. ça crée des jeunes qui ne sont pas heureux et des jeunes qui ne vont pas forcément travailler dans leur milieu. À côté de ça, au dehors de cet idéalisme de se dire il faudrait faire ce qui nous rend heureux et ce qui serait le mieux, il y a des réalités derrière et effectivement aujourd'hui une orientation qui va être fonctionnelle, ça va être aussi une orientation qui va amener vers un diplôme. On a cette difficulté qu'on a une inflation des niveaux diplômes, plus si tout le monde a le bac, plus personne n'a le bac, ils perdent de leurs valeurs. Mais en même temps, c'est le meilleur moyen au niveau individuel de se protéger contre des phénomènes de précarité. Donc effectivement, essayez d'avoir un diplôme en gardant en tête qu'il y a ce phénomène d'inflation et surtout pouvoir se découvrir et découvrir une orientation qui puisse plaire, même si ça peut prendre parfois quelques années.